TURBELLARIÉS

TURBELLARIÉS
TURBELLARIÉS

Parmi ceux des Métazoaires Triploblastiques que l’on qualifie vulgairement de Vers se place le grand embranchement des Plathelminthes ou Platodes caractérisé par l’absence d’anus, par l’absence de cavités définies entre l’ectoderme et l’endoderme et par l’hermaphroditisme. Il comprend lui-même un groupe primitif, les Turbellariés, animaux libres et mobiles, carnassiers, dont le tégument, lubrifié par du mucus, est revêtu de cils vibratiles déterminant des tourbillons (turbellae en latin). Par comparaison avec les groupes parasites (Trématodes, Cestodes), les Turbellariés sont trop variés pour qu’un type (fig. 1) en donne l’idée, et il est nécessaire de passer d’abord en revue leurs caractères essentiels.

Anatomie

La taille et la forme des Turbellariés sont très variables; mais, quand la première est grande, la seconde ne peut être massive en l’absence de cavités circulatoires. En effet, les types submicroscopiques sont seuls plus ou moins fusiformes, ceux qui atteignent le centimètre, voire le décimètre, sont aplatis et foliacés, déformables lorsqu’ils nagent ou rampent; d’autres s’étirent en cylindres plus ou moins déprimés sur une face, deviennent même presque filiformes. Sous l’épiderme cilié , on trouve toujours deux couches musculaires, généralement lisses; des fibres traversent aussi le parenchyme. La présence dans l’épiderme de petits bâtonnets, appelés rhabdites, est très fréquente.

L’orientation est donnée par la bouche qui est ventrale mais peut se trouver en tout point de la ligne médiane du corps, éventuellement à l’une des extrémités, supérieure ou inférieure (l’animal étant décrit en l’orientant verticalement). La bouche est suivie d’un pharynx préhensile ou suceur, morphologiquement très variable, rudimentaire chez quelques formes inférieures, en général musculaire et glandulaire. Il peut s’aplatir en diaphragme, se plisser en collerette, s’allonger en manchon dirigé vers le haut ou le bas suivant la position de la bouche, ou demeurer massif. Il est suivi de l’intestin , simple dans les petites espèces, ramifié dans les autres et répartissant mieux ainsi la nourriture. Le tube digestif est tapissé de cellules glandulaires et absorbantes; les déchets et excréments sont finalement rejetés par la bouche. L’excrétion est aussi assurée en principe par des néphridies typiques, ampoules à flamme vibratile reliées par un réseau de canaux qui débouchent à la surface en des points extrêmement variables en nombre et en position suivant les groupes. D’ailleurs on ne réussit pas à déceler cet appareil chez beaucoup de formes, parfois de grande taille, surtout dans les marines.

Le système nerveux est plus ou moins différencié: il forme toujours un plexus général sous l’épiderme dont il dérive, mais chez les formes inférieures il se concentre souvent dans l’extrémité supérieure où apparaissent des organes sensitifs. Ordinairement, il s’y forme un cerveau sous-cutané, et dans le réseau général se dessinent des troncs longitudinaux, fréquemment six ou huit, avec des anastomoses transversales parfois très régulières; la prédominance des troncs nerveux ventraux, encadrant la bouche, aboutit à la double chaîne médiane des groupes supérieurs.

Les organes des sens , très rudimentaires, sont des soies sensorielles, parfois sur des lobes tentaculaires, des statocystes, qui caractérisent curieusement certaines formes pourtant inférieures, et des yeux. Réduits à une cupule pigmentaire où pénètrent les bâtonnets des cellules rétiniennes et ne pouvant indiquer que la direction de la lumière, les yeux sont parfois très nombreux chez de grandes formes où ils parsèment l’extrémité céphalique et bordent tout le corps; chez les petites, ils se réduisent à un ou deux sur le cerveau.

L’appareil génital est hermaphrodite, avec parfois décalage du temps de maturité des deux parties. En vue de la fécondation interne, il présente souvent des complications considérables dont on ne comprend pas encore la raison d’être. Chose curieuse, ces variations ne sont pas coordonnées et peuvent apparaître similaires dans chacun des groupes principaux, de sorte qu’elles ne les caractérisent pas, mais indiquent des genres dans chacun de ceux-ci.

Reproduction

Les gonades des Turbellariés sont constituées de cellules souches évoluant en ovules ou en spermies (rarement ensemble dans la même glande). Elles peuvent former des follicules épars ou des glandes plus ou moins compactes. Les ovaires surtout ont tendance à se réduire au nombre de deux ou même un, et, pour eux, deux cas se présentent. Dans certains groupes, les ovules élaborent leurs réserves et, une fois fécondées, se segmentent suivant le type dit spiral des Annélides et des Mollusques. Dans les autres, des cellules vitellines homologues se produisent à part et se réunissent dans la ponte (en capsule ou en cocon) aux ovules, qui perturbent leur développement en les digérant. Il y a alors des organes vitellogènes séparés des germigènes ; leurs conduits se réunissent.

Le plus souvent, il y a deux orifices génitaux, un de chaque sexe; ils sont réunis ou séparés, se trouvant ainsi parfois en des points très variables de la face ventrale ou même de la face dorsale. Si le pore mâle est constant, il n’a pas toujours un répondant car la fécondation peut être hypodermique et la ponte des œufs peut avoir lieu par l’appareil digestif, ce que certains regardent comme le cas primitif. Mais, s’il y a des voies femelles avec un orifice de ponte, ces voies peuvent présenter un second orifice pour la copulation, et l’un ou l’autre peut se combiner à l’orifice mâle. Enfin s’observent parfois des multiplications bizarres des orifices, au moins pour les orifices mâles.

Du côté mâle (fig. 2), le sperme aboutit par des conduits plus ou moins nets au canal éjaculateur qui peut déboucher simplement à l’orifice, sauf à s’y dévaginer. Des dilatations constituent des vésicules séminales , temporaires ou permanentes, avec musculature. Très fréquemment existe une vésicule spéciale dite prostatique qui précède l’autre et reçoit des glandes à sécrétion granuleuse. En général, le pore se dilate en un atrium mâle où se trouve un organe copulateur; celui-ci peut être un pénis , papille protractile précédée d’un bulbe musculeux autour de la vésicule, ou un cirrhe dévaginable, le canal se repliant au repos; le tout se complique parfois de parties dures, stylet plein, simple ou multiple, ou canule traversée par le sperme ou par la sécrétion, qui présentent des complications spécifiques. Ou bien le sperme est éjaculé dans un étui appelé spermatophore élaboré par la paroi du canal. Des variations importantes portent sur la vésicule prostatique, qui peut être intercalée sur le canal ou latérale à lui, et un organe paraissant homologue avec musculature et papille peut se trouver indépendamment dans l’atrium mâle ou bisexué et même à la surface du corps (adénodactyle ).

Du côté femelle (fig. 3) sont à distinguer les dispositifs de maturation des œufs et de ponte et les dispositifs qui impliquent la copulation et où le sperme doit souvent se maturer lui-même avant d’agir. Les ovaires sont naturellement l’origine des oviductes , auxquels se réunissent en un ou plusieurs points les vitelloductes , s’il y a lieu. Un ootype musculeux et glandulaire marque quelquefois le début du canal commun, débouchant dans un atrium réuni ou non à l’autre. Il reçoit les glandes dites coquillières qui servent à la formation du cocon individuel ou collectif. D’autres glandes se situent à l’orifice pour coller ce cocon, qui est éventuellement pédonculé. Mais ce canal peut aussi se dilater en un utérus où se fait au moins le début du développement.

Il existe très fréquemment une bourse copulatrice destinée à recevoir le sperme. Elle est un simple diverticule du canal femelle ou bien elle possède un col différencié en vagin , des glandes et même des parties dures. Les spermies en sortent et remontent les voies jusqu’à un réceptacle séminal situé près de l’ovaire où se fait la fécondation. Parfois un canal spermatique relie bourse et réceptacle, et la voie femelle se trouve dédoublée. Mais la bourse a souvent aussi le rôle de résorber le sperme superflu directement ou à travers une communication génito-intestinale qui peut exister aussi sans elle. Enfin la copulation est possible par un orifice spécial, situé à une distance variable de l’orifice de ponte, ou existant seul si cette ponte a lieu par le tube digestif ou par déhiscence. Tous ces cas existent à l’intérieur d’un groupe restreint ou, dans d’autres groupes, sont observés séparément.

Cette extraordinaire complexité de l’appareil génital n’est pas incompatible avec la faculté de multiplication asexuée par division que présentent certains Triclades et Rhabdocœles et qui est liée à la facilité considérable de régénération possédée chez eux par tout l’organisme, à partir de cellules souches. Une alternance régulière des deux modes de reproduction s’observe quelquefois.

Classification

Polyclades

L’ordre des Polyclades renferme des animaux marins de taille relativement grande, foliacés et déformables; ils ont des yeux, souvent nombreux, et parfois des tentacules. La bouche est subcentrale, suivie d’un orifice mâle et d’un orifice femelle et conduisant dans un pharynx en collerette ou manchon; l’intestin est très ramifié. Les ovaires multiples sans vitellogènes donnent des œufs à développement normal avec quelquefois une larve pélagique. Leptoplana , Stylochus dans la Manche sont de taille et d’aspect peu remarquables par rapport aux formes plus grandes et vivement colorées, Prosthecerœus , Pseudoceros , Eurylepta , etc., de la Méditerranée et des mers tropicales.

Triclades

L’ordre des Triclades groupe des formes assez grandes, ayant un pharynx tubuleux dirigé vers le bas d’où partent les trois branches ramifiées de l’intestin accompagnées de vitellogènes; ils ont un orifice génital bisexué situé au-dessous du pharynx et des ovaires céphaliques. La segmentation dissociée se produit dans une capsule. Les Triclades sont répartis dans tous les milieux.

Les Paludicoles renferment les Planaires communes des eaux douces plus ou moins pigmentées: Planaria , Dugesia , Crenobia , Phagocata (Fonticola ) qui ont deux yeux, Polycelis à yeux multiples; plus à part se placent les Dendrocœlum , généralement incolores et qui comptent de nombreuses espèces obscuricoles aveugles.

Les Maricoles, petites formes littorales, ne diffèrent guère des précédents.

Les Terricoles, qui vivent à la surface des végétaux et de l’humus moyennant une humidité suffisante, peu nombreux et petits en Europe (Microplana , Rhynchodemus ), atteignent dans les régions tropicales, avec une forme cylindrique faiblement aplatie, une taille considérable et des colorations tranchées. Les yeux, doubles dans les précédents, deviennent multiples dans Geoplana ainsi que dans Bipalium où l’extrémité céphalique est élargie en demi-lune.

Rhabdocœles

Les formes petites à intestin simple qu’on groupait autrefois sous le nom de Rhabdocœles (fig. 4) constituent en réalité plusieurs ordres dont on mentionnera les deux principaux:

– Les Eulécithophores sont rattachés aux Triclades par des intermédiaires; ils ont comme eux des vitellogènes. On indiquera trois types communs en eau douce mais se retrouvant aussi en mer, à pharynx massif, assez court et possédant souvent un orifice génital mâle et femelle unique. Dans les Dalyellia (autrefois Vortex ), le pharynx est supérieur et a la forme d’un manchon; l’appareil génital mâle comporte en général une armature assez compliquée. Chez les Mesostomum , il y a un pharynx médian en rosette et parfois deux espèces d’œufs, les uns immédiats et les autres durables. Dans ces deux genres on trouve fréquemment des Algues vertes en symbiose. Citons enfin les Gyratrix , qui se rattachent aux Polycystis ; leur trompe musculeuse est invaginée et un aiguillon prostatique peut servir d’arme (ce qui s’observe aussi dans les Prorhynchus qui se différencient pourtant par des caractères importants).

– Les Archoophores ont l’apparence des précédents, avec des simplifications (du pharynx en particulier) et avec l’absence de cellules vitellines, ce qui permet une segmentation régulière comme dans les Polyclades: ce type est représenté par le genre Macrostomum ; Microstomum , Stenostomum et Catenula (qui a un statocyste) sont des animaux filiformes, presque dépourvus de parenchyme, qui se multiplient par divisions successives produisant des chaînes d’individus. Ils sont rarement pourvus d’un appareil sexuel et, lorsqu’il existe, il est toujours simplifié.

Viennent enfin les formes dites acœliennes, surtout marines, où la bouche, à peine différenciée, donne dans un syncytium digestif peu distinct du parenchyme. Les Convoluta n’ont pas de voies femelles mais un pore copulateur et un organe mâle simple. Elles sont fréquemment accompagnées par des Algues symbiotiques qui sont brunes (Diatomées), ou vertes dans le cas de la célèbre C. roscoffensis qui forme des taches colorées sur les plages atlantiques en suivant le mouvement des marées. Récemment a été découvert un Acœlien d’eau douce, Oligochœrus , qui semble répandu dans les eaux courantes européennes.

turbellariés [ tyrbelarje ] n. m. pl.
• 1876; du lat. turbella, de turba « agitation », à cause du mouvement des cils vibratiles
Zool. planaire.

turbellariés
n. m. pl. ZOOL Classe de plathelminthes carnassiers, le plus souvent aquatiques, caractérisés par un épiderme entièrement couvert de cils locomoteurs.
Sing. La planaire est un turbellarié.

⇒TURBELLARIÉS, subst. masc. plur.
ZOOL. Classe de vers plats de l'embranchement des Plathelminthes, vivant en mer ou en eau douce, et dont le corps est entièrement couvert de cils vibratiles servant à la locomotion. Synon. (dans certaines classifications) planaires. La reproduction asexuée est particulièrement intéressante lorsqu'elle se manifeste chez des représentants d'un groupe où la reproduction sexuée est la règle. Il en est ainsi pour des Turbellariés, Trématodes, Cestodes (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 679).
Prononc.: [], [-(l)]. Étymol. et Hist. 1847 zool. (D'ORBIGNY, Dict., t. X, p. 563, s.v. Prostoma). Empr. au lat. sc. mod. turbellaria « id. » 1831 (EHRENBERG, Symbolae physicae ds AGASSIZ Verm., p. 13), dér. du lat. class. turbella « trouble, bruit; petite foule » (dér. de turba, v. tourbe1), ces vers étant ainsi appelés à cause du mouvement incessant de leurs cils vibratiles.

turbellariés [tyʀbɛlaʀje] n. m. pl.
ÉTYM. 1876, in P. Larousse; du lat. turbella, dimin. de turba « agitation » (ainsi nommés à cause du mouvement incessant des cils vibratiles), et suff. -ariées.
Zool. Classe de Plathelminthes, vers plats à épiderme cilié, à bouche ventrale, comprenant plusieurs ordres. || Les turbellariés sont hermaphrodites; ils sont répandus sous toutes les latitudes dans l'eau (douce et salée) et la terre humide.On les appelle aussi planaires.Au sing. || Un turbellarié.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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